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Une échappatoire à la réalité...
27 juillet 2007

Deuxième chance

Encore ces mêmes gestes. Encore et toujours. M. André Racolli savait ce qu’il avait à faire à l’avance. Il savait même où il serait la semaine prochaine à le même heure, ici. Il serait ici, debout devant ce tapis roulant, à coller des étiquettes sur des pots de confiture faites maison, du moins c’Est-ce qu’il pensait. Cela faisait maintenant presque trois ans qu’il faisait les mêmes gestes, depuis la mort de sa femme. Quand celle-ci l’a quitté, André s’est enfermé dans un routine interminable mais qui lui permettait de se rassurer. Il se rappelle parfois comment était sa vie avant de perdre sa femme: la gaieté pouvait se lire sur son visage, il était épanouit et prenait plaisir à faire son travail à l’usine. Mais voilà, André avait perdu toutes joies de vivre et avait demander à être rétrogradé à ce métier de « colleur d’étiquettes », afin de se rassurer, puisqu’il y connaissait les gestes par cœur et les mouvements lui venaient même malgré lui.

À 6h00, la sonnerie du réveil arrive aux oreilles de M. Racolli qui se lève aussitôt. 6h05, il avale deux tartines de beurre spécialement pour lutter contre le cholestérol, et une tasse de café noir, sans sucre. 6h20; il allume la lumière de sa salle de bain pour commencer sa toilette et se préparer. André s’habille toujours de la même manière,son armoire ne contient d’ailleurs que des copies conformes du costume qu’il va porter aujourd’hui. Puis 6h37, il prend ses clés sur la petite table basse de l’entrée, prend son porte documents placé juste en dessous et lance un « à ce soir ma chérie! » au cadre contenant la photo de sa femme, à côté du vase contenant les fleurs qu’il avait acheté la veille, comme il fait toujours en rentrant du travail. À 6h39 précise, la porte est fermée à double tour et à 6h40, il sort de son immeuble pour prendre le bus de 6h48. Et lorsque ce dernier a une minute de retard ou d’avance, André en fait la remarque auprès du conducteur qui ne répond pas. Dans le bus, il s’assoit toujours à la même place, celle juste à côté de la porte de sortie, si elle n’est pas libre, il ne s’assoit pas. André compte les arrêts du bus, il sait qu’il y en a 11 et connaît leur nom par cœur depuis le temps. À 7h15, il pose un pied hors du bus et à 7h45, il est en place pour commencer l’étiquetage. À 10h00, il prend sa pose, à 10h10, il reprend son poste, à midi, il mange à la cantine de l’usine et maintenant, il est là. Il est 18h58 et il a encore deux minutes à attendre avant d’en avoir finit avec les pots de confiture. 19h00, ça y est. Il se lève et s’en va. 19h30, il attend le bus. 19h33, il monte.

Mais cette fois, il y a un problème les sièges du bus ne sont pas de la même couleur que d’habitude. D’habitude ils sont vert, là ils sont violet. Il demande au chauffeur ce qui se passe, il est angoissé. Le chauffeur lui demande de s’asseoir, André hésite puis prend la même place que d’habitude. Il est perdu. Il ne comprend plus, tout a changé au moment où il a mis le pied dans ce bus. Il ne sait plus quoi faire, il se raccroche à quelque chose: il compte les arrêts, personne n’est monté dans le bus, il est seul, il s’interroge. Onzième arrêt, il descend, cette fois il ne regarde pas sa montre mais regarde autour de lui, le décors a changé. Oh! C’est bien sa rue, oui. Et c’est bien son immeuble. Mais c’est différent, il ne saurait pas expliquer en quoi, mais il savait que ce n’était pas le même endroit qu’il avait quitté ce matin même. Il a des fleurs à la main, celles qu’il a acheté en sortant de l’usine, avant de prendre le bus. Il regarde sa montre qui a dirigé sa vie pendant trois ans. Elle s’est arrêtée. Cela n’était jamais arrivé en trois ans, en plus c’était un cadeau de sa femme. Pourquoi faut il qu’elle s’arrête maintenant ? Il décide alors entrer dans son immeuble, comme machinalement, il regarde dans la boite au lettre, il en sort des magazines publicitaires qu’il jette aussitôt dans la poubelle du hall d’entrée, il a l’habitude, c’est au automatisme. Il est maintenant devant la porte de chez lui. André hésite il ne sait pas pourquoi mais il a peur de ce qu’il risque de trouver derrière. Finalement, il se décide, il tourne la clé lentement, on entend la serrure qui tourne, la porte s’ouvre, il entre, il referme derrière lui. Tout à l’air normal, sauf…Sauf, la photo de sa femme, ni la photo ni le cadre y étaient. Disparus, ils avaient disparus. Il se précipite alors à la cuisine, dépose le bouquet de fleur sur la table et se sert un verre d’eau fraîche qu’il vide en deux secondes. Il souffle. C’est alors qu’elle fait son apparition, elle entre dans la pièce. Elle est là, devant lui. Elle lui demande si il a passé une bonne journée. Sa voix est douce. Il n’arrive pas à parler, il a peur que ce ne soit qu’un rêve. Il ne bouge pas, comme médusé par le regard de cette femme. André reconnaît ces cheveux bouclés aux reflets blonds, ce sourire sur ces lèvres bien tracées, cette fossette au coin de la joue, tout. Il la reconnaît. C’était elle, ça ne pouvait être qu’elle. C’était Jacqueline, sa Jacqueline, sa femme. On lui avait donné une deuxième chance.

Sam

( Le 11/02/2006 en "écriture de nouvelles" )

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